dimanche 18 septembre 2016

Les Plaques Campana

Quel est le programme iconographique des Plaques Campana, 550-500 av.-J.-C. ?
Introduction
Les plaques peintes Campana datent de 550-500 av. J.-C. Elles proviennent d'Etrurie méridionale et ont été découvertes dans la nécropole de la Banditaccia à Cerveteri. Elles tiennent leur nom de Giovanni Pietro Campana qui en a fait la découverte à la même époque que le Sarcophage des époux, autour de 1840. Giovanni Pietro Campana est un marquis italien, grand collectionneur connu pour avoir réuni la plus grande collection d'antiques dont une grande partie était étrusque. Ces plaques de terre cuite, au nombre de cinq ont figuré parmi les pièces maîtresses de la collection d'antiquités du marquis Campana qui dans une restitution d'une tombe les avait associées au Sarcophage des Epoux. Elles ont fait l'objet d'une acquisition par Napoléon III en 1861 et sont entrées dans les collections du Louvre deux ans plus tard. Dans les Cataloghi de Campana il est cependant fait mention d'un groupe de 6 plaques, cette sixième plaque a été exclue par les archéologues et historiens de l'art comme faisant partie du groupe car bien trop différente iconographiquement et stylistiquement des cinq autres plaques. 
  1. Un sacrifice funéraire
  1. Le cortège funéraire
Le rite sacrificiel commence par un cortège où les personnes conviées apportent ce qui est nécessaire au sacrifice comme des outils ou des offrandes ce qui pourrait correspondre à la première plaque avec les arcs et les flèches, tenus par les deux hommes, ainsi que ce qui semble être un épi de blé tenu par la femme. Sur la seconde plaque un homme au bras tendu suis la seconde femme représentée mais on ne voit pas si il tient quelque chose. Le cortège funéraire ou pompae se constitue quant à lui de femmes richement vêtues à la tête partiellement couverte couronné d'un diadème qui tiennent dans leur main voilée une palme. Ici on retrouve les riches vêtements détaillés des femmes à certains endroits ainsi que la palme visible dans la première plaque et probable dans la seconde qui est scindée, les mains ne sont d'ailleurs pas voilées et les coiffures ne sont pas respectées. La richesse des vêtements est probablement liée au rang social des figures représentées, peut être aristocratique repérables aux chaussures pointues. Les femmes avancent deux par deux, ce qui correspond ici puisqu'elles sont deux, normalement sous la conduite d'un musicien qui est normalement aussi présent dans le cortège sacrificiel, mais ici il est absent. Elles étaient également normalement guidées par des porteurs de brule-parfums, objet que l'on retrouve sur la troisième plaque.
  1. le sacrifice humain
La troisième plaque de terre cuite montre un homme vêtu d'une tunique courte. Il se trouve debout devant ce qui semble être un autel de briques sur lequel brule un feu avec à coté un brule parfum. Les étrusque considéraient que le sacrifice, normalement d'un animal permettait au défunt d'accéder à une sorte d'immortalité. Mais ici ce n'est pas un animal qui est apporté vers l'autel mais bien un être humain comme on peut le voir dans la quatrième plaque. En effet sur celle-ci sont représentés deux hommes dont un porte dans ses bras une femme, probablement la sacrifiée, l’autre homme qui est lui aussi tourné vers l’autel tient comme sur les deux premières plaques, un arc et des flèches. Le sacrifice précède dans le contexte funéraire les jeux donnés en l'honneur du défunt.


  1. les spectateurs
Si l'on poursuit dans l'idée du rite funéraire, on sait qu'y participent les prêtres et les familiers. Cette partie du rite pourrait correspondre à la dernière plaque sur laquelle sont représentés deux hommes âgés à la barbe en pointe assis face à face sur des sièges curules, le plus âgé tenant un bâton dans la main, peut-être une canne signe de dignité. Ces deux hommes pourraient donc être des prêtres représentés en train d'effectuer les augures puisque l'on voit en haut à droite de la plaque une figure ailée. Ils étaient peut-être là aussi tout simplement pour présider les jeux donnés en l'honneur du défunt.



  1. le lien avec l'art grec
  1. le style ionien
Tombe des augures, Tarquinia, 530 av.-J.-C.
Ces plaques peintes entrent dans la catégorie des plaques dites blanchies en effet leur surface est de couleur claire et polie. Elles ont été gravées puis peintes. Ce sont donc des plaques de terre cuite polychromes puisqu'elles ont été peintes avec du rouge, du noir, de l'ocre et du blanc. Le décor est réalisé sur le support mobile que constituent les plaques ce qui a permis de les déplacer d'un bâtiment à un autre afin de les remployer. C'est avec l'arrivée des grecques qu'émerge le style ionien qui dure de 550 à 500 av. J.-C., dates des plaques Campana. 
Tête de cavalier dit "Cavalier Rampin",
vers 550 av.-J.-C., musée du Louvre
Le style ionien se caractérise par ce qu'on appelle la morbidezza caractérisant les contours sinueux et arrondis. Il y a également la présence du sourire que le peut voir aussi chez le Cavalier Rampin au Louvres, dont la tête est massive et le menton en galoche. Les proportions ioniennes sont trapues et les corps massifs comme pour nos personnages. On a la présence du mouvement et des torsions, et des jeux de courbes et de contres courbes. Le front et le crane sont étirés tout comme les yeux en amande. Le menton est représenté en galoche, les pommettes sont hautes et il y a une utilisation variée des couleurs. Le Sarcophage, dit "Sarcophage des époux'' daté de 520-510 av.J.-C, en terre cuite, provenant de la nécropole de la Banditaccia à Cerveteri est lui aussi emprunt du style ionien avec le profil fuyant, les yeux en amandes étirés, les bouches souriantes et les masses musculaires accentuées.
  1. une scène mythologique
Ici le sacrifice est humain cependant il était très rare que l'on représente un sacrifice humain dans un contexte réel sans qu'on y mêle un lien mythologique. En effet l'homme portant une femme dans ses bras est doté d'ailes et de chaussures ailées. Plusieurs ouvrages s'accordent sur le fait qu'il s'agirait de la représentation du sacrifice d'Iphigénie. Iphigénie est la fille d'Agamemnon, celui ayant déclenché la colère d'Artémis, la flotte des grecs voulant attaquer Troie reste bloquée à Aulis. Le devin Calchas prétend que la déesse ne peut être apaisée que par le sacrifice de la propre fille du roi. Agamemnon refuse tout d'abord puis accepte convaincu par Ménélas et Ulysse. Il convoque sa fille sous prétexte de la fiancer avec Achille. Elle s'approche confiante de l'autel et au moment même où elle allait être sacrifiée la déesse qui l'eut prise en pitié lui substitua une biche et l'emmena en Tauride où elle est devenue une de ses prêtresses. Un autre auteur émet l'hypothèse qu'il s'agirait du mythe grec d'Alceste. Alceste fut donné en mariage à Admète, aidé d'Apollon. Pélias promis de donner en mariage sa fille si Admète parvenait à lui ramener un char attelé d'un lion et d'un sanglier, ce qu'il fît avec l'aide d'apollon. Mais Admète oublia de faire un sacrifice à Artémis à l'occasion de son mariage et trouva la chambre nuptiale remplie de serpents. À l'instant de la mort d'Admète, le dieu invoqua les Moires pour le laisser vivre. Celles-ci acceptèrent à condition qu'une autre personne prît sa place. Le père et la mère d'Admète refusèrent, mais Alceste conclut le marché et s'empoisonna. Seule la dernière scène ne semble pas liée au mythe grec puisque les autres sont en lien avec le cortège funéraire et le sacrifice symbolique d’Alceste. Il est tout aussi possible qu'il ne s'agisse que d'une représentation symbolique à caractère funéraire avec l'âme de la défunte enlevée par le génie de la mort.
  1. Une production lacunaire
  1. un programme incomplet
Nous l'avons vu précédemment ces plaques au nombre de 5 ont été redécoupées. Ceci est visible au niveau de la seconde plaque puisque la femme représentée est scindée par la découpe, ce qui fait que l'on ne voit pas ce qu'elle tient dans sa main ni si quelqu'un la précède et qui cela pourrait être. De plus nous avons également vu qu'il y avait un probable lien entre les plaques qui serait la représentation des rites funéraires débutant par le cortège funéraire se dirigeant vers l'autel sacrificiel ouvrant les jeux funéraires présidés par des membres de la famille et/ou des prêtres. On peut se demander alors pourquoi les jeux n'ont pas été représentés, s'ils ne faisaient pas partie d'une autre plaque qui a disparue ou qui a volontairement été ôté lors du placement des plaques dans la tombe. La plaque raboté de manière distincte n'est d'ailleurs peut être pas la seule à l'avoir été. Il est possible qu'il y a avait aussi de représenter des musiciens et des porteurs de brule-parfums.
  1. une destination inconnue
Tombe des augures,Tarquinia, 530 av.-J.-C.
Le fait que les plaques aient été rabotées, ainsi que la probabilité qu'elles aient été plus nombreuses énoncé par leur difficulté de lecture et leur complexité, nous permet de penser que la destination originelle de ces plaques n'était peut-être pas la tombe même si un contexte funéraire y est fortement lié. Il est possible que ces scènes aient été originellement placées dans un bâtiment civil ou religieux comme un temple. Les plaques ont une étrange particularité car même si elles sont séparées en 3 parties avec au centre la scène peinte comme dans les tombes aux peintures imitant l'architecture la partie basse des plaques pourrait représenter le support en bois sur lesquelles étaient posées à l'origine les plaques ce qui pourrait expliquer ce motif si particulier de languette.
Tombe des jongleurs, Tarquinia,
2e moitié du VIe siècle av.-J.-C.


De plus le fait que l’on n’ait aucune information sur la tombe dans lesquelles les plaques ont été découvertes amplifie les incertitudes qui auraient pu être bien moindre si le lieu de leur découverte précis avait été fourni par Campana car on aurait pu les associer à d'autres objets trouvés au même endroit.




Conclusion

On ne peut donc déterminer avec précision quel est le programme iconographique de ces plaques de terre cuite peinte et ce dut au fait de la non connaissance du contexte de leur création, qu'elles participent d'un remploi, leur coté incomplet ne facilitant en rien leur lecture. Cependant on ne peut nier l'influence grecque importante qui a joué sur la réalisation de cette œuvre et qui doit être mis en lien avec le thème représenté. Il s'agit donc d'une scène de sacrifice funéraire peut-être en lien avec la mythologie grecque. Ces plaques Campana sont de plus dans les ouvrages souvent mises en parallèle avec les plaques Boccanera puisqu'elles constituent les deux ensembles les plus complets de terres cuites peintes découverts à ce jour.

1 commentaire:

  1. Il ne s'agit pas d'un sacrifice humain mais d'un homme devant un autel suivit d'un procession. A droite se trouve Herakles ramenant Alceste des Enfers grâce à Hermes reconnaissable par ses ailes. Toute à droite se trouve le père et le mari d'Alceste qui se lamentent...

    RépondreSupprimer